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21/03/2017

« LE SILENCE NOCTURNE DES VÉRITÉS IMPENSABLES »

A propos d’un entretien accordé par Jean-Marc Vivenza

à la revue Rébellion 

(Grenoble, décembre 2016)

 

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« Une seule chose, un seul sujet participe (…) de toute ma recherche – depuis les expériences sonores radicales du courant bruitiste-futuriste en passant par le Pôle philosophique Hélios fondé après une prise de distance d’avec l’activisme idéologique, jusqu’aux études portant sur les domaines traditionnels et ésotériques –, la question (…) d’une ontologie qui ne peut-être, en raison de la situation de notre présence au monde, et de la nature foncièrement dialectique et contradictoire de ce dernier, qu’une "ontologie négative". » (Jean-Marc Vivenza)

 

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Rébellion, n°78 (janvier-février 2017)

 

C’est aussi, par-delà le déploiement d’une pensée, toute l’amplitude d’une « continuité quasi logique », qu’explore cet entretien : celle du « dépassement des contraintes immédiates dans lesquelles sont réduites les formes existentielles, en ayant en vue l’authentique transfiguration libératrice », dans la perspective métaphysique d’un « contact ontologique fondamental »  avec l’essence, les mécanismes et la source originelle d’une « réalité » animant l’ordre apparent des choses, mais qui « séjourne dans son retrait » et ne s’aborde que dans le « silence nocturne des vérités impensables. »

Confrontés à « l’absence de l’Être », au « Dieu caché » qui demeure inaccessible à la sphère sensible, nous sommes contraints de l’aborder dans la nuit de son retrait, nous y heurtant, par cet inaccès, à la tragédie de notre limitation, qui nous signale, précisément et simultanément, la nécessité d’une « distance d’avec les lois du monde », et d’une discipline assimilant le dépassement des contingences. On comprend alors que l’itinéraire spirituel le plus authentiquement tourné vers « l’Essence incréée » soit, à travers les siècles, balisé par les courants les moins ostensibles de la voie ascétique et mystique. Cette tension vers l’abîme des réalités suressentielles, vers cette nuit « qui est lumière à l’égard du monde »,  nous la saisissons au fil de ce champ d’exploration, vertigineusement traversé  tout au long de cet entretien. Nous la saisissons notamment : dans la proclamation marinettienne de 1909, déployant la triple puissance de « l’Art-Vie-Action » ; dans son appropriation, au travers de son théoricien, Luigi Russolo (1885-1947),  de la « réalité concrète » du son – dans sa modalité techno-industrielle contemporaine – qui tente, aussi, la « jonction impossible » avec le cœur de la force dynamique ; dans les grandes intuitions ontologiques du vaste courant de la mystique occidentale et, plus singulièrement, de la « spiritualité de l’abstraction », agissant au sein de « l’immobilité infinie. »


Jean-Marc VIVENZA : "Énergie + Mouvement + Abîme"

 

« Dans la nuit où nous avons été plongés, il importe ainsi que nous fassions surgir, en nous, au cœur de nos ténèbres, la « Lumière incréée » par le pouvoir transformant de l’œuvre négatrice, et alors pourra se dévoiler, secrètement et invisiblement, le « Grand Mystère », le Mysterium Magnum, nous portant au seuil du Suressentiel, là où se fait sentir le Souffle de la Sagesse qui nous accorde d’évoquer « au milieu des ruines », non sans une tremblante réserve et rigoureuse prudence, le « Néant éternel », l’Esprit non-manifesté. »

Radicalement, s’éclaire notre rapport de dépendance au monde. Et l’invitation « à ne pas interpréter la situation présente uniquement en terme de deuil circonstanciel, de néant relatif à une période déterminée » :

« Exister, être, c'est donc être jeté de « l’Unité » vers la division, projeté « du haut vers le bas » disait Origène (+ 252), abandonné dans le relatif, le contingent, c'est être dépendant totalement de faits et de causes qui déterminent la non-possibilité de l’harmonie et de la durée, et rendent totalement vaines et vouées à l’inutilité les infructueuses tentatives humaines - notamment politiques, mais pas seulement, car on peut y adjoindre, l’art, la philosophie, la science, etc. -, qui tendent à modifier les conditions de l’être au monde.

Il ne s’agit donc pas d’espérer en un quelconque régime ou éventuel système capable de résoudre les questions sociales, économiques, culturelles, identitaires ou spirituelles des peuples, puisque l’origine du problème pour l’homme, mais aussi pour les civilisations et l’Univers lui-même, est un problème de « l’origine ». La question qui se pose, fondamentalement, participe d’une nature purement méta-ontologique. Voilà pourquoi, la seule attitude authentique, c’est-à-dire authentiquement en rupture, la seule position radicale qui prenne le problème à sa source réelle, à sa racine effective, est donc, forcément et uniquement, d’ordre supérieur, elle relève du spirituel et du transcendant, du  métaphysique, en acceptant de regarder d’où provient l’essence de la détermination existentielle, en se confrontant à la cause première de la vocation destinale de toutes choses créées au « nihil ». »

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