11/10/2019
« VISIONI DI UN OMO IN ARMI » : vers le combat méta-ontologique (2/5)
Extraits de : « LA CONTINUITÉ D'UNE VOIE : DU FUTURISME A LA TRADITION », entretien avec Jean-Marc Vivenza, par Le Baron et Diaphane Polaris, Rébellion, n°78, janvier-février 2017 (2ème partie)
« Le bruit fils du combat des corps mécaniques en mouvement s'incarne dans les cœurs humains. Du plus fort de la matière domestiquée, surgit d’immense écho du langage de la terre. »
Jean-Marc VIVENZA : « Le fil de continuité entre Futurisme et ésotérisme n’est pas nouveau, et qu’il y ait eu, pour ce qui me concerne, un investissement plus prononcé dans l’étude des thématiques métaphysiques à partir du début des années 1990, n’a rien de très surprenant, mais participe d’une continuité quasi logique d’avec les préoccupations artistiques antérieures qui étaient guidées par une dimension ontologique constante, comme on peut d’ailleurs aisément s’en apercevoir à la lecture des textes édités accompagnant les compositions bruitistes qui ont été produites pendant plusieurs années [1].
Je précise, à cet égard, ce qui permet de mieux comprendre comment se fit cette évolution vers les questions métaphysiques et ésotériques, qu’à l’époque du travail artistique, animant le courant Futuriste en France – en lien avec le mouvement italien éditant la revue « Futurismo-Oggi », dont le directeur était Enzo Benedetto (1905-1993), celui là-même qui fut à l’initiative du « Manifeste du second futurisme » à Rome après-guerre réunissant tous les anciens membres du mouvement : Giovanni Acquaviva (1900-1971), Giacomo Balla (1871-1958), Primo Conti (1900-1988), Tullio Crali (1910-2000), Fortunato Depero (1892-1960), Gerardo Dottori (1884-1977), etc. -, par le biais de deux structures, tout d’abord « l’Œuvre-Bruitiste » (1983-1989), puis le « Futurisme Européen Révolutionnaire » (F.E.R.), (1989-1993), qui éditèrent des bulletins dont la diffusion fut assez large [2], j’ai considéré qu’il était nécessaire d’envisager en 1986 - jusqu’à ce que l’écroulement du monde bipolaire lors de la chute du mur de Berlin en 1989 signifie la fin du bloc soviétique -, une participation, dans le cadre de la réalisation du programme futuriste dit de « l’Art – Vie – Action », qui est passée par l’implication, au titre du Futurisme, à l’intérieur d’une organisation défendant l’unité continentale tout en refusant la domination des « trusts », comme celle des « soviets », en jugeant possible l’établissement d’une « troisième voie » novatrice, sociale, économique et culturelle pour l’Europe [3].
« (…) Notre activité aujourd'hui est la résultante de plusieurs facteurs qui fondent l'essence de notre doctrine. »
Cependant, très vite, la nouvelle période qui s’ouvrait à compter de 1989, nous plaçant dans le cadre d’un monde unipolaire profondément métamorphosé en de nombreux domaines (techno-industrie, science, sociologie, etc.), ce à quoi s’imposait de plus, par l’intermédiaire d’un approfondissement des thématiques métaphysiques du futurisme florentin influencé aussi bien par la mystique rhénane que la pensée de l’Orient, une approche de plus en plus intensément « ontologique », qui aboutira à un retrait conscient et volontaire, théorisé et organisé, vis-à-vis de toute forme d’activisme idéologique à l’égard d’un monde voué au nihilisme et dont il importait de se distancier, et à la création, en 1993, avec mon ami le penseur italien Omar Vecchio (1961-2000 [4], du « Pôle philosophique Hélios » [5 6] .
C’est d’ailleurs au sein de ce Pôle philosophique Hélios que seront pensés ensuite, les grands problèmes de nature transcendante, en s’appuyant, notamment, sur une lecture approfondie de Martin Heidegger (1889-1976), qui conduiront à la mise en lumière des auteurs traditionnels, en particulier René Guénon (1886-1951) et Julius Evola.
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Notes
[1] Signalons que tous ces travaux sonores « bruitistes », font aujourd’hui l’objet d’un programme de rééditions remasterisées, enrichies et accompagnées de nombreux documents originaux inédits, par le label ROTORELIEF : www.rotorelief.com/fr/vivenza/
[2] « L'Œuvre Bruitiste », n° 1 à 3 (1983-1989) puis « Volonté Futuriste », n° 1 à 27 (1989-1993), organe du « Futurisme Européen Révolutionnaire » (F.E.R.).
[3] Le courant Futuriste au sein du mouvement « Troisième Voie », qui fédérait différentes tendances grâce à la personnalité et au charisme de son dirigeant Jean-Gilles Malliarakis, était évidemment proche de ceux, dits « tercéristes radicaux » éditant un bulletin : « Alternative tercériste », en sympathie avec les thèses de la révolution conservatrice, dont les principales figures furent Ernst Jünger (1895-1998), Carl Schmitt (1888-1985) et Ernst Niekisch (1889-1967).
[4] O. Vecchio, Essenza nichilistica dell’Occidente cristiano, Edizioni Barbarossa, 1988 ; Visioni di un uomo in armi, Società Editrice Barbarossa, 1994 ; O. Vecchio & M. Murelli, Cavalcare le vette, Società Editrice Barbarossa, 2002.
[5] Une précision - ceci à l’attention des commissaires politiques déguisés en « chercheurs », en réalité bien souvent effectifs supplétifs de la police de la pensée unique qui se sont spécialisés dans la dénonciation publique du parcours des intellectuels qui ne sont pas passés par le sérail de ce qui relève du « politiquement correct » à leurs yeux, « chercheurs » qui seraient cependant bien avisés de vérifier leurs sources plutôt que de reproduire mécaniquement des informations erronées dans les publications qu’ils signent (cf. S. François, « Extrême-droite et ésotérisme : retour sur un couple toxique », Critica Masonica, janvier 2016) -, puisque la fondation du « Pôle philosophique Hélios » est intervenue après la scission du mouvement « Troisième Voie » à Lyon, en août 1991, et fut accompagnée par une analyse détaillée - publiée en tant qu’additif et conclusion à la « Plateforme programmatique » éditée par le courant Futuriste (F.E.R.) -, en soutenant, après l’effondrement du bloc de l’Est et la domination d’un modèle économique unique s’imposant à l’ensemble de la planète, la fin nécessaire de l’action politique sur la base des anciens modèles interventionnistes, texte intitulé : « Raisons d’une nécessaire rupture idéologique avec le Nationalisme-Révolutionnaire ».
« La conscience instrument et vecteur du devenir incarne comme depuis les origines la perspective de l’Être […] »
« La politique a cessé d’être le moyen de faire aboutir vos idées. »
Ce « texte-manifeste » annonçait la conception purement métaphysique dans laquelle allait désormais s’inscrire le « Pôle philosophique Hélios », et qui le situerait à nette distance critique des initiatives souhaitant fédérer au nom d’une « Nouvelle Résistance » les « ennemis du système » - position défendue alors par Christian Bouchet et ses soutiens – ceci ayant eu pour conséquence, comme il était logique, un éloignement de l’engagement politique à partir de cette date : « La politique n’est plus aujourd’hui qu’une enveloppe, un habillage trompeur d’un pouvoir effectif qui lui est le véritable maître du destin collectif […] se situer sur le terrain du combat politique est à présent soit la preuve d’une incompréhension profonde de la nature du système, ou plus encore une absurdité totale […] la nation et la politique constituent deux splendides cadavres qu’il convient d’incinérer au plus vite selon les anciennes coutumes indo-européennes. A tous ceux qui désireraient un programme pour l’action, une solution à l’inévitable « que faire ? », une réponse à leur besoin d’activisme, il faut dire : la politique a cessé d’être le moyen de faire aboutir vos idées. C’est terminé ! Il importe de trouver une autre méthode […] La conscience instrument et vecteur du devenir incarne comme depuis les origines la perspective de l’Être, ce qui lui confère une importance fondamentale dans le processus transformateur […] la subjectivité au lieu d’être subordonnée à l’histoire, y est englobée au même titre que l’événement historique. C’est pourquoi on peut considérer la conscience non comme un simple reflet du développement dans l’histoire, mais bien au contraire, comme son agent réel de transformation. C’est un changement radical d’attitude face à un changement radical des données objectives qui caractérisent la période. » (J.-M. Vivenza, Raisons d’une nécessaire rupture idéologique avec le Nationalisme-Révolutionnaire, § 8.5 « La mort de la politique », F.E.R., Octobre-Novembre 1991).
[6] Signalons également, à toutes fins utiles puisque le sujet participe de l’histoire d’Hélios, qu’en mars 1990 un colloque sur le Futurisme fut organisé à Paris par la branche jeunesse du G.R.E.C.E. (la « Nouvelle-Droite Jeunesse » – N.D.J.), qui éditait alors la revue « Métapo », colloque dans lequel intervinrent, Alessandra Colla, Robert Steuckers, Omar Vecchio, et moi-même au titre du F.E.R., (intervention suivie d’un concert-performance « bruitiste » qui se déroula au théâtre Dunois, 13ème arr.). Robert Steuckers, fondant en 1994 avec Gilbert Sincyr (1936-2014) l'association « Synergies européennes » - qui publia un bimestriel intitulé « Nouvelles de Synergies européennes » (1994-2002) qui remplaçait les revues « Orientations » et « Vouloir » -, fut également à l’initiative d’universités d'été rassemblant chaque année de nombreux intervenants de différents pays (Lourmarin, Madesimo, Varèse, Pérouse, Trente, etc.), où furent invités, en raison des liens d’amitiés et de certaines proximités de vues, ceci jusqu’à la mise en sommeil en 2000 du Pôle philosophique, les membres d’Hélios, sur des sujets touchant à l’histoire des idées, l’art, la littérature, la poésie ou la métaphysique.
« Infine, comprendo il mio destino (…)
é la mia ultima parola. »
Rébellion, n°78, janvier-février 2017
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